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Car ces compétences cognitives des vivants ne sont pas hors sol : ce sont des intelligences qui habitent d’abord et avant tout la terre, dans des interactions écopolitiques constantes. Baptiste Morizot est un philosophe et écrivain français, agrégé et docteur en philosophie, diplômé de l’École normale supérieure de Lyon et maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille. Une dose quotidienne de culture et de savoirs. 36Les diplomates sont déjà partout, sur le terrain, ils cherchent des causes communes et des alliances entre des usages soutenables des territoires, et des vivants ; ils cherchent l’intérêt de la relation elle-même. https://www.letemps.ch/societe/baptiste-morizot-veut-clair-rend-planete-vivable Guérir la terre. Les Chemins de la philosophie. 18L’écologie politique, comme l’a montré Bruno Latour, fait entrer les non-humains en politique (faisant muter conjointement le sens de nature et de politique), elle leur restitue leur statut d’existant : ils ne sont plus seulement de la matière régie par des lois qu’il faut comprendre pour les capter comme ressource, ils se lèvent comme des êtres. Ce n’est pas dire que tout est rose : les nuisibles à certaines cultures existent, le parasitisme et la prédation existent. 7 Voir Isabelle Stengers (2004, p. 23) : « Or, rien n’est plus important, c’est l’événement politique par excellence, qu’un nouveau protagoniste qui se manifeste derrière la porte, qui réclame qu’on le prenne en compte dans l’agenda. LE Une grande partie des écologistes condamne sans appel les pesticides néonicotinoïdes, pendant que les grandes firmes agro-industrielles tentent de les disculper. Une cohabitation diplomatique avec le vivant », Tracés. Car ces êtres rétroagissent finement à l’égard de ce tout systémique, de telle sorte qu’il n’y a pas de solution hors d’une délicatesse dans la transformation du système de pratiques vers du plus soutenable. Ce faisant il se redresse depuis l’aplatissement de la terre propre aux modernes, et il faut bien en faire quelque chose. Le premier, le plus ancien et auguste, est celui du grand partage, qui repose sur une séparation fondamentale entre des humains qui sont des fins et une nature comme réserve de moyens, où le progrès consiste à approprier plus efficacement la nature dehors au service de sociétés humaines qui s’en seraient extraites (Descola, 2005 ; Latour, 1999). Plan du site • Comités • Flux de syndication, Nous adhérons à OpenEdition Journals • Édité avec Lodel • Accès réservé, Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search, Nouvelles alliances avec la terre. 3 J’ai essayé de fonder conceptuellement l’idée des vivants comme altérités par l’habiter dans « Le devenir du sauvage à l’anthropocène » (Morizot, à paraître). 8C’est cet habiter irréductible des autres que l’on abolit en généralisant l’idée d’hybridité. Cette enquête confère une spécificité aux vivants, en tant qu’ils ont, en plus de pouvoirs d’agir, un pouvoir de pâtir. Les scientifiques dans la tourmente, Paris, La Découverte. Ils se redressent, et acquièrent non pas spontanément ce faisant le statut de personne (c’est un statut légal ou ontologique, dont la pertinence appliquée aux non-humains est débattue et discutable), mais différentes figures d’êtres aux statuts pas encore inventés, dont on sait tout au plus qu’ils exigent notre attention, qu’ils exigent a minima qu’on les considère, qu’on les valorise. C’est simplement la manière de se rapporter à ces phénomènes vivants qui change, et donc les pratiques agricoles et économiques liées : si on les comprend comme des malédictions au destin humain de maximiser la production, ils sont des nuisibles en soi ; si on les comprend comme des partenaires cohabitants pris avec nous dans des relations politiques fines et complexes, envers lesquels il faut inventer des alliances, minimiser ou détourner les discordes, affiner les relations multiples, convertir les compétitions en mutualismes, alors on passe d’un état de guerre avec son exploitation à un état d’alliances complexes, plus soutenables pour les uns et les autres, avec sa communauté agroécologique. Une cohabitation diplomatique avec le vivant », Tracés. 386, no 10007, p. 1964-1972. Est-il enfin possible de vivre en paix avec les animaux ? Ce qui est intéressant lorsqu’on se rapporte aux conflits de cohabitation, c’est qu’il ne s’agit pas frontalement de conflit entre les humains en général et des non-humains. Ces vivants, certes infléchis ou impactés par nos systèmes techniques, qui constituent la terre que nous partageons (les communautés biotiques fondant les dynamiques écologiques), et permettent notre subsistance, se maintiennent-ils comme des altérités ? Raviver les braises du vivant -Baptiste Morizot Le tissu du vivant dont nous sommes des fils se déchire tout autour de nous, fragilisant nos futurs possibles. Baptiste Morizot est philosophe. Leopold Aldo, 2000 [1949], Almanach d’un comté des sables, Paris, Flammarion. L’idée d’Anthropocène entend montrer que ce récit est dépassé : « Dans l’Anthropocène, les humains changent l’histoire de la Terre qui en retour frappe (inégalement) les sociétés humaines. I'm laid back and get along with everyone. 1 Voir sur ce point l’article critique de Clive Hamilton (2015) qui présente les acteurs du good Anthropocene (autour de Erle Ellis, notamment les auteurs du Manifeste éco-moderniste). 53On soutient en conséquence que les formes de pratique qui sont intrinsèquement diplomatiques avec le vivant sont plus spontanément émancipatrices et épanouissantes pour les acteurs et les communautés humaines qui les appliquent. https://www.franceinter.fr/emissions/l-heure-bleue/l-heure-bleue-10-mars-2020 4Ce qui m’intéresse ici, c’est de montrer comment ces deux cartes opposées (grand partage ou hybridation) qui entendent chacune mobiliser la totalité des possibles, masquent en fait la possibilité et la nécessité d’autres types de récits pour raconter l’anthropocène aux humains. 18 Il faudrait ajouter que cette alliance entre humains et non-humains au service d’une transformation du territoire vers des usages plus soutenables et plus émancipatoires se constitue la plupart du temps contre d’autres conceptions des usages du territoire, donc qu’elle permet de dessiner des luttes, des fronts, d’isoler des ennemis. Défendu par les tenants du good Anthropocene, ce second grand récit postule une techno-nature hybride, où tout le non-humain serait hybridé d’humain, occultant toute altérité, toute extériorité, toute étrangeté de ce qu’on appelait auparavant la « nature ». Baptiste Morizot, Aix-Marseille Université, Philosophie Department, Faculty Member. Ils se lèvent au sens où ils se redressent sur un monde auparavant aplati par la métaphysique des modernes, où il n’y avait que des personnes humaines debout, seuls êtres politiques et fins qui méritent l’attention, et de la matière plate, ressource, pur moyen qui n’exige qu’exploitation rationnelle ou sanctuarisation locale à des fins de ressourcement spirituel. Le vivant n’est plus seulement du physico-chimique, il retrouve sa dimension comportementale subtile, c’est elle qui est en jeu. Tout est relié, non pas à tout, comme dans l’écologie cosmique qui s’intéresse d’abord au sentiment mystique de fusion avec la nature, mais à d’autres choses précises, qui sont liées par un axe imprévisible à d’autres choses précises, enchevêtrées, et ce qui nous intime de prendre soin de l’un, implique que le soin s’élargisse. — 2012, Enquête sur les modes d’existence, Paris, La Découverte. Mais en même temps, en montrant notre dépendance à eux, en montrant comme ils nous sont précieux, ils deviennent plus que des moyens, et on se prend à les considérer aussi comme des fins. ... C'est toute la question débattue par des hommes et femme de terrain, en lien avec le monde sauvage. — 2004, « Une pratique cosmopolitique du droit est-elle possible ? C’est que les vautours équarrissaient les carcasses des millions de vaches « sacrées », nettoyant tous les territoires : leur puissance éco-évolutionnaire propre est d’être des culs-de-sac pour les pathogènes, qu’ils métabolisent et neutralisent. Avec Valérie Chansigaud, historienne... La nature envahit la campagne... des municipales. Baptiste Morizot - retrouvez toute l'actualité, nos dossiers et nos émissions sur France Culture, le site de la chaîne des savoirs et de la création. Ce point est bien relevé pour le cas du loup par Patrick Degeorges, qui travaille alors à déterminer finement, en s’appuyant sur des enquêtes de terrain, de quel usage de la terre le retour du loup est l’ennemi, et de quel usage il est l’allié11. URL : http://journals.openedition.org/traces/7001 ; DOI : https://doi.org/10.4000/traces.7001. C’est un ouvrage original et fécond à plus d’un titre. Le vecteur d’un « retour à la terre », ici les territoires vivants qui nous portent, exige que l’on précise le cap de navigation : peut-il s’agir d’aller vers autre chose que vers une nature-matière séparée, ou vers des hybrides homogénéisés ? Revue de Sciences humaines [En ligne], 33 | 2017, mis en ligne le 19 septembre 2017, consulté le 03 décembre 2020. 47On voit comment c’est une autre image de la terre, et une autre conception de nos rapports au vivant (même si des milliers de praticiens de la terre l’ont appliquée et l’appliquent tous les jours, bien qu’invisibilisés par les discours dominants) : tout se comporte, tout est délicat ; ce n’est pas strictement un produit chimique qui tue une ressource, mais un système de pratiques qui produit du stress sur des êtres au comportement complexe, détruisant les dispositifs d’orientation subtils, issus d’un apprentissage et de communications raffinées, et qui rend ainsi leur vie invivable. 15Le second point revient au mode de la cohabitation. Elles se déploient au détriment des conditions de vie de tous les acteurs en présence, humains et non-humains. Il monte en politique. 41En fait, une grande variété d’études internationales sur des cas particuliers met hors de cause beaucoup de facteurs isolés : c’est certainement multifactoriel. L’écologie ici ne les défend plus contre les humains, contre tous les usages humains, pour les sanctuariser, pour les ériger en fins irréductibles (même si c’est parfois nécessaire), mais l’écologie les défend comme les alliées de meilleures pratiques du territoire, de trajectoires de transformation de tout le système technique vers des usages plus soutenables, plus respectueux, systémiques, résilients16. À venir dansDans L’altérité des vivants ne consiste donc plus à l’anthropocène à être isolé et intact, mais en ce par soi-même qui est parmi nous par soi-même. Des diplomates pour chaque espèce pollinisatrice, chaque barrière de corail, chaque relation agissante. Ils sont parmi nous. Est dite férale ici toute forme de vie (population considérée en termes de potentiels évolutifs, mais tout aussi bien communauté biotique) qui, bien que transformée par son contact avec l’activité technique humaine, reprend la main, c’est-à-dire impose au cours du devenir des dynamiques qui sont induites par sa puissance éco-étho-évolutionnaire propre, et non par les stricts desiderata ou effets des activités humaines qui l’infléchissent. Par Découvrez nos newsletters complémentaires, Actes Sud, 2018, Actes Sud, 2020, Bayard, 2019, Le Seuil, 2018, Wildproject, 2016, Réécouter Profession philosophe (68/100) : Baptiste Morizot, sur la piste du vivant, LE 29La diplomatie est un type de récit qui entend accepter une relation constitutive avec des autres, mais sans résorber leurs altérités – qui les maintiennent, tout en reconnaissant l’inextricabilité des entrelacs qui nous lient à eux. À mes yeux, l’interprétation diplomatique de cette situation est formulée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) en 2015 (dans ses propos, si ce n’est dans les faits). Cela permet conceptuellement de parler d’alliances, de cohabitation, et de diplomatie avec eux en un sens de moins en moins métaphorique, car il faut avoir des intérêts (ce que le climat en lui-même n’a pas) pour entrer dans une alliance au sens fort ; et être vivant pour cohabiter au sens fort. Tout ce qui nous fait de l’effet gagne un nom. ». This grammar is outlined as a narrative genre of local and circumstantial stories, destined to reconfigure challenging ecological situations and to free the practical and theoretical imagination of social actors, sometimes enclosed by Modernity’s grand narratives about man and “nature”. 6Or, on peut se demander si, malgré ces tentatives pour l’occulter, le fait que les vivants qui peuplent nos communautés biotiques constituent des altérités ne résiste pas à l’anthropocène. 3Le second grand récit, plus récent, et caractéristique d’un certain anthropocène, prétend conséquemment que nous sommes sortis de ce vieux monde, pour entrer dans une « postnature », où la nature ne serait plus discernable de nous, mais coconstruite par l’activité des humains, devenus force géologique, de manière à ce que plus rien ne nous soit désormais étranger. 14C’est ici qu’on entrevoit la spécificité de cette approche dans le champ des recherches environnementales contemporaines. Tout un pan de la permaculture révèle constamment que le propre du métier revient à passer d’une logique d’adversité à une logique de partenariat avec le vivant. Hauser Marc, 2001, Wild Minds. Elles deviennent les alliées objectives de transformations des pratiques vers une agriculture plus soutenable. La diplomatie s’avère être une attitude pertinente lorsqu’il faut cohabiter avec des êtres sur qui on n’a pas tout pouvoir, qui ont leurs intérêts propres mais enchevêtrés à nos propres intérêts, de manière à être sur certains points indiscernables. Frisch Karl (von), 1974 [1927], Vie et mœurs des abeilles, Paris, J’ai lu. 02/05/2016, Réécouter 2020, une année SF : "Ce monolithe, c'est un gigantesque S.O.S", 2020, une année SF : "Ce monolithe, c'est un gigantesque S.O.S", Réécouter Quand l'alcool n'est pas une fête, Réécouter La Suisse, ce nouveau paradis des fraudeurs du ski, La Suisse, ce nouveau paradis des fraudeurs du ski, Réécouter L'effondrement et moi (1/4) : Paris, 42°, Réécouter Des centaines de milliers de sangliers en France : le grand remplacement, Des centaines de milliers de sangliers en France : le grand remplacement, Réécouter Confinés avec… les philosophes antiques (3/4) : Comment tenir bon ? Avec quelles trajectoires de transformation des usages humains ? 23La tâche diplomatique dans ce contexte change de manière spectaculaire : il ne s’agit plus de dépêcher loin là-bas, sur les frontières extérieures avec la nature, ou sur le front de colonisation, des diplomates appelés à discuter avec ces nouveaux agents. 9Le paradoxe pour ceux qui voudraient éluder ce point, c’est que c’est précisément de cette puissance, et pas de notre contrôle mécaniste ou total sur les agroécosystèmes, que proviennent les conditions de notre survie matérielle (tous les systèmes de production dépendant des dynamiques éco-évo dont ils héritent : photosynthèse, cycle de l’azote, pyramides trophiques…), comme de notre vie (nous-mêmes en sommes issus). Towards a diplomatic cohabitation with living beings, Agence nationale de sécurité sanitaire, alimentation, environnement, travail, N° 32 : Déplacer les frontières du travail, Portail de ressources électroniques en sciences humaines et sociales. 37Le cœur du problème revient désormais à déterminer entre qui il est possible de raconter, donc de faire saillir, ces alliances vitales qui sont le motif central du genre littéraire de la cohabitation diplomatique. Les implications problématiques de cette approche du point de vue des enjeux écologiques ont néanmoins été très vite soulevées par les commentateurs1. S’il est reconfiguré en termes de relations mutualistes, le prédateur peut devenir un allié inattendu de certains modes de vie et de certains types de pratiques socio-économiques. La diplomatie commence par faire saillir les intérêts enchevêtrés, y cherche ensuite les causes communes, pour les transmuter enfin en alliances vitales, et travaille au bien de la relation même entre une communauté humaine chaque fois locale et ses cohabitants vivants non humains10. Le cas de l’ours des Pyrénées est éloquent. — à paraître, « Le devenir du sauvage à l’anthropocène », Comment penser l’anthropocène ?, Actes du colloque, Collège de France, Paris, 5-6 novembre 2015. Pendant le confinement, une personnalité du monde de la culture partage chaque jour son coup de cœur. Van Dooren Thom, 2014, Flight Ways. La question, telle qu’elle est posée par Patrick Degeorges, devient alors : Avec quelle trajectoire de transformation d’un territoire la cohabitation avec le loup est-elle une alliée ?13 C’est ce raisonnement qu’on entend généraliser : Avec quels usages de la terre les vivants s’allient-ils ? Un très grand nombre des espèces cultivées en Europe dépendent, d’après l’Inra, à 84 % des pollinisateurs, qui sont à plus de 90 % des abeilles domestiques. 42La question ici n’est pas de trancher dans ce débat complexe, mais de défendre l’idée que l’acte de faire fond sur la dimension multifactorielle du problème est fondamentalement diplomatique (non pas entre les intérêts humains en présence, mais au sens qui m’intéresse : isoler des causes communes entre certains non-humains et certaines activités humaines). Le philosophe Baptiste Morizot (Université d’Aix-Marseille) vient de publier Manières d’être vivant, Enquêtes sur la vie à travers nous [1]. Descola Philippe, 2005, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard. Dès lors qu’il est vivant, il est vitalement engagé : il gagne aussi un intérêt. Les vivants comme altérités (ni choses ni hybrides homogénéisés) exigent alors d’être repensés pour empêcher l’humain de croire au frisson présent dans le concept d’anthropocène, et qui fonde la part complaisante de son succès : l’humain, force géologique telle que la planète entière s’hybride de nous, telle que plus rien ne nous est inaccessible – étranger.

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